lundi 7 mars 2011

Histoire du livre: annonce de colloque




lundi 14 mars 2011

Charles Nodier

et la passion du livre

Paris,
Bibliothèque de l’Arsenal

Journée d’études organisée par
Élisabeth Parinet (École nationale des chartes) et
Hélène Védrine (Université Paris-Sorbonne)

avec le soutien de
l’École nationale des chartes,
du Centre de recherches
sur la littérature du XIXe siècle,
de l’École doctorale III
de l’université de Paris-Sorbonne,
et de la
Bibliothèque nationale de France

9h45: Ouverture de la journée d’études par Bruno Blasselle, directeur de la Bibliothèque de l’Arsenal
10h: Jacques-Remi Dahan, «Monsieur Nodier, où en sommes-nous avec le livre ?»
10h30: Charles Grivel, «Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux: le récit de l'image»
11h: Roselyne de Villeneuve, «La genèse du Roi de Bohême: avant-textes et avant-propos»
11h30: Discussion et pause
12h: Vincent Laisney, «Le livre en acte: les lectures du cénacle de l'Arsenal»
12h30: Sylvain Ledda, «Nodier, passeur de livres»
13h: Discussion

14h30: Annie Charon, «Nodier et le Bulletin du Bibliophile»
14h45: Jean Viardot, «Nodier bibliomane romantique»
15h30: Discussion et pause
16h: Marine Le Bail, «Charles Nodier: entre bibliothèque réelle et bibliothèque rêvée»
16h30: Emmanuelle Toulet, «Nodier: un certain goût de la reliure»
17h: Discussion

17h30: Visite de la Bibliothèque de l’Arsenal

A 18h30 aura lieu, dans le cadre des Lundis de l’Arsenal, une soirée-lecture au cours de laquelle des textes de Charles Nodier, choisis et présentés par Jean-Luc Steinmetz, seront lus par un comédien.

La journée d’études et la soirée-lecture sont accessibles librement, mais uniquement après inscription auprès du service des visites de la Bibliothèque nationale de France (01 53 79 49 49, du lundi au vendredi, de 10h à 17h, ou par courriel adressé à visites@bnf.fr).

Ill. tirée de l'Histoire du roi de Bohème, Coll. Quelleriana

Histoire du livre et théorie de la communication (2)

La formule de «chaîne du livre»  a en effet été proposée de longue date, pour essayer de rendre compte de la complexité que nous avons dite. Elle présente pourtant l’inconvénient de réintroduire, même sous forme d’une métaphore, l’idée d’une structure linéaire allant de la création (de l’écriture) à la consommation (à la lecture).
Plutôt que cette image, nous suggérons d’utiliser le concept de «système-livre», qui présente à nos yeux l’immense avantage de refléter la complexité toujours sous-jacente dans les phénomènes liés aux médias –autrement dit, aux moyens sociaux de communication. Rappelons la théorie structuraliste: nous désignons comme «système» l’ensemble clos des acteurs et des fonctions intervenant dans le processus de communication organisé autour de l’objet livre (ce terme entendu dans le sens le plus large).
Les acteurs sont globalement connus: les auteurs et tous ceux qui interviennent au niveau du texte (éditeurs, traducteurs, adaptateurs, etc.). Secrétaires et copistes sont aussi à prendre en considération ici. En arrière-plan, ce sont  les investisseurs et les libraires, qui commandent le travail à façon dans les ateliers typograhiques, et qui déterminent non seulement la politique éditoriale de la maison, mais aussi les caractéristiques formelles de la «mise en livre».
On sait que, jusqu’à l’invention des banques modernes au XIXe siècle, la problématique du financement recoupe largement celle de la diffusion: les premiers «éditeurs» sont, souvent, des négociants-banquiers, à l’image d’un Barthélemy Buyer, qui finance la première presse lyonnaise, qui choisit les titres à imprimer et qui en assure la diffusion. En effet, les réseaux contrôlés par le négociant-banquier sont aussi les plus appropriés pour la diffusion de ces nouveaux objets manufacturés que sont les livres imprimés.
L’atelier typographique et les éléments relevant de la fabrication matérielle sont évidemment à prendre en compte: les conditions de fabrication dépendent de l’environnement général, puisqu’il faut non seulement se procurer des matières premières (parchemin, papier, caractères typographiques, etc.) dans de bonnes conditions, mais aussi disposer d’un personnel fiable et dont la présence est à peu près régulièrement assurée. Le cas échéant interviennent encore les autres professionnels actifs au niveau de la fabrication (les graveurs…) ou de la finition (les relieurs).
Poursuivons notre balayage: voici tous les acteurs de la distribution, qu’il s’agisse du libraire de fonds et de l’éditeur, du libraire de détail, mais aussi du grossiste, du commissionnaire, du colporteur, du diffuseur non spécialisé (par ex. les grands magasins), des cabinets de lecture, des clubs de livres, etc., cette typologie variant en fonction des conditions propres qui sont celles du marché du livre à chaque moment et dans chaque géographie. Nous pourrions faire intervenir à ce niveau les bibliothécaires, puisque la bibliothèque constitue à partir du bas Moyen-Âge une institution assurant la lecture en «temps partagé» alors que la poussée de la demande ne peut pas être pleinement satisfaite par les structures de production et de diffusion pré-industrielles.
Le tableau se referme sur deux groupes d’acteurs importants: d’abord, les administrateurs, dont certains regroupent le petit monde des auteurs –par exemple les censeurs en France sous l’Ancien Régime et encore en partie au XIXe siècle. Ensuite et surtout, la société des lecteurs et l’éventail de leurs pratiques, deux catégories dont la typologie est particulièrement multiple et complexe. On sait que le texte n’est pas seul donné par le livre, mais que celui-ci contient bien autre chose qui relève de la «mise en livre» et qui trace comme l’horizon possible de l'appropriation de son contenu.
Dans tous les cas, le premier caractère à retenir est celui de l’intégration du système (le feed back), d’abord en lui-même (les différents acteurs et les différentes fonctions jouent de manière cohérente les uns par rapport aux autres), mais aussi par rapport à la société globale qui l’englobe. Le second caractère concerne les processus de réaction qui interviennent aux différents niveaux. Reprenons une dernière fois l’exemple du texte: ce qui sera donné à lire n’est pas le fait du seul auteur (mais de l’éditeur, des ouvriers typographes, etc.), tandis que la représentation que chacun se fait des opérations qu’il souhaite conduire oriente le contenu de ces opérations mêmes. Le texte sera rédigé et l’ouvrage publié, non seulement en fonction d’un projet intellectuel et de conditions matérielles plus ou moins contraignantes, mais aussi en fonction de ce que les uns et les autres supposent des attentes potentielles du public.
Dans tous les cas, l’intérêt de la catégorie de système réside précisément dans le double impératif, de garantir une cohérence interne, et de prendre en compte les actions et réactions constantes et très nombreuses entre les agents à l’œuvre dans ce cadre. Une première étape de la recherche pourrait consister à tracer les grands axes d’une typologie différenciée du «système-livre» en fonction de la conjoncture (de l’économie du manuscrit aux «révolutions» successives du livre), et en fonction des différentes spécificités d’ordre géographique ou culturel qui peuvent être celles de la librairie.

Cliché. Une scène, pour nous exotique, mais qui est caractéristique d'un certain "système-livre" à Paris dans les années 1880: la lecture d'une nouveauté, par son auteur, devant l'assemblée attentive d'un salon mondain. Nous sommes pratiquement dans un théâtre privé, ce que rappelle le titre de la gravure (ill. tirée du périodique La Vie parisienne, Paris, Librairie Charpentier).

Histoire du livre et théorie de la communication

Un certain nombre de travaux récents relatifs à l’histoire du livre et des médias ont démontré que le schéma classique de la théorie de la communication n’était plus opératoire. Encore repris en tête de la Sociologie de la littérature de Robert Escarpit, ce schéma se développe de manière linéaire, et articule l’émetteur, le message et le récepteur – ou, s’agissant du livre, l’auteur, l’œuvre (et le système de production et de diffusion du livre, alias la «librairie») et le lecteur. Mais cette hypothèse est beaucoup trop sommaire, en ce qu’elle ne prend en compte ni les interactions entre les acteurs, ni le déroulement du temps. Donnons trois exemples qui illustreront cette problématique.
1) Le premier exemple concerne la remise en question de la catégorie (pourtant admise de longue date) de l’auteur en tant qu’une évidence. L’auteur peut rédiger un certain texte, mais ce texte une fois imprimé a pris une forme matérielle plus ou moins différente de l’original, et dont nous savons qu’elle conditionne en partie sa lecture et son appropriation. Le livre imprimé contient en définitive bien plus que le seul texte, qu’il s’agisse de la page de titre et des différents éléments du paratexte, mais aussi de la « mise en livre » elle-même, à savoir le choix d’un format, d’une typographie, d’une mise en page, sans parler des illustrations, etc.
En somme, à la source du texte, nous trouvons certes celui «qui écrit» (pour reprendre l’intitulé du séminaire de Villeurbanne régulièrement annoncé sur ce blog), mais aussi un certain nombre d’autres intervenants au niveau notamment de l’éditeur et de l’atelier typographique (le prote, le metteur en pages, le compositeur).
La situation se complique encore dans le cas par exemple d’une traduction: l’exemple, souvent convoqué, du Narrenschiff de Sébastien Brant montre que la traduction de l’original allemand en latin aboutit de fait à un texte très largement nouveau, dont le traducteur, Jakob Locher, est pratiquement devenu l’auteur. Comme que les traductions dans d’autres langues vulgaires (le français, etc.) se font non pas sur l’original, mais sur le latin, la distance s’accroît d’autant. Sans parler du rôle de l’éditeur commercial (du libraire), qui sera souvent celui qui prend l’initiative de faire rédiger un certain texte par un auteur rétribué pour ce faire.
2) Ce que nous venons de dire de l’auteur montre que le message lui-même, le texte, désigne également une entité plus indécise qu’on ne croirait: le texte du Narrenschiff traduit en latin correspond en fait à un texte nouveau, celui de la Stultifera navis, que l’on attribue à Brant mais qui en réalité est pratiquement de Locher. La bibliographie matérielle nous a montré par ailleurs que, tout au long de l’époque moderne, le texte d’une certaine œuvre changeait d’une édition à l’autre, mais la complexité du processus de fabrication explique que cette incertitude ce retrouve entre les exemplaires d’une édition donnée (d’où les concepts d’émission, etc.). Les auteurs eux-mêmes se plaignent de la fiabilité médiocre de certaines éditions de leurs œuvres, par exemple au XVIIIe siècle notamment pour les contrefaçons. En somme, pas plus que la catégorie de l’auteur (de l’émetteur), celle du texte (du message) ne peut être considérée comme absolument univoque.
3) Nous pourrions revenir, pour conclure momentanément ce billet, sur la problématique bien connue de la lecture et de la réception: on connaît la formule selon laquelle «les nouveaux lecteurs font de nouveaux textes», parce que chaque performance de lecture débouche sur une appropriation spécifique du texte. Mais nous préférons insister, dans cette même logique, sur le rôle de l’interaction et du temps: les trois éléments définis par la théorie de la communication (émetteur, message, récepteur) ne sont absolument pas indépendants les uns des autres. Par exemple, l’initiative et la rédaction d’un texte ne se font pas toujours a priori, mais prennent en compte la représentation de sa réception possible par un certain lectorat –on connaît l’exemple du Pantagruel de Rabelais. Autrement dit, la représentation du public auquel on s’adresse (du récepteur) intervient au niveau du travail de l’auteur et à celui de l’écriture elle-même pour faire du texte, pour partie, un intertexte, soumis aux impératifs du mécénat ou à celles du marché.
Plus que devant une simple mécanique linéaire, nous sommes en réalité devant un réseau d’interactions imbriquées, et qui se déploient aussi bien sur le plan matériel (par ex., le livre comme objet) que sur celui des pratiques (par ex., la lecture) et sur celui des représentations. Nous envisagerons, dans un prochain billet, comment le concept de «système-livre» (plus que celui de «chaîne du livre») permet de répondre à un certain nombre de ces difficultés

Conférences d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 21 février 2011
14h-16h
Histoire des bibliothèques à la période moderne:
les bibliothèques dans la ville (4)
Les bibliothèques méridionales (suite) :
savants et libraires en Provence et en Languedoc. Les bibliothèques et le travail savant
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
Autour de 1800:
le bibliothécaire comme intellectuel
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Consultez aussi l'index matières du blog.

Histoire du livre: souscription pour une monographie consacrée à Cazin

 Cazin, l’éponyme galvaudé

Un volume in-8° (14 x 22, 5 cm.), d’environ 360 pages, avec 1 frontispice, 1 tableau généalogique et 65 illustrations à pleine page, tiré à 300 exemplaires, dos carré, collé et cousu.
Fruit de plus de quinze années de recherches sur le célèbre libraire et éditeur parisien, d’origine rémoise, Hubert-Martin Cazin (1724-1795), cet ouvrage, préfacé par Christian Galantaris, libraire expert honoraire près la Cour d’appel de Paris, renouvelle la biographie et la bibliographie de Cazin pour lesquelles les bibliophiles, les libraires, les bibliothécaires et les universitaires ne disposent que d’un ouvrage fautif publié il y a un siècle et demi.

TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE
INTRODUCTION
CHAPITRE I. Les Bio-bibliographes de Cazin
1- Avant Brissart-Binet 
2- Brissart-Binet
3-  Après Brissart Binet
CHAPITRE II. Les Cazin à Reims avant Cazin (1673-1754)
CHAPITRE III. Cazin libraire à Reims (1755-1781)
1- Les Affaires bouillonnaises
2- Correspondance neuchâteloise
3- Débuts valadiens
CHAPITRE IV. Cazin libraire à Paris (1782-1795)
1- Associé de Valade (1782-1784)
2- Libraire rue des Noyers (1784-1785)
3- Libraire rue des Maçons (1786-1792)
4- Libraire rue du Coq (1792-1793)
5- Libraire rue Pavée (1793-1795)
CHAPITRE V. Les Cazin après Cazin
CHAPITRE VI. Identification des éditions in-18 de Cazin
1- Faux Cazins  
2- Reliure
3- Format.
4- Papier
5- Architecture de la page
6- Matériel typographique
7- Gravures
8- Catalogues et journaux contemporains
CHAPITRE VII. Les Éditions authentiques de Cazin
NOTES
SOURCES
REMERCIEMENTS
INDEX
LISTE DES SOUSCRIPTEURS

Jean-Paul Fontaine
Auteur :  Le Livre des livres (Paris, Hatier, 1994), Physiopathologie et terminologie médicale (Paris, Bertrand-Lacoste, 2005), Bibliolexique à l’usage de l’amateur de livres (Paris, Éditions des Cendres, 2007).
Coauteur : Jean Berque (1896-1954) illustrateur (Reims, Le Bibliophile rémois, 1992), Dictionnaire encyclopédique du livre (Paris, Cercle de la Librairie, 2002, A-D et 2005, E-M), Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au xviie siècle (Baden-Baden & Bouxwiller, Valentin Koerner, 2005, t. XXVII, p. 73-171), Mélanges offerts à Christian Galantaris (Paris, Librairie Anne Lamort, 2009, p. 67-80).
Articles : Art & métiers du livre, Archives et bibliothèques de Belgique, Le Livre & l’estampe, Bulletin du bibliophile, Le Magazine du bibliophile, La Nouvelle Revue des livres anciens.
Éditeur : Le Bibliophile rémois (Reims, 1985-2004), Jacob (Max). Petite astrologie (Reims, Le Bibliophile rémois, 1989), Bidet (Nicolas). Traité sur la culture des vignes (Reims, Le Bibliophile rémois, 1991).
Coéditeur : La Nouvelle Revue des livres anciens (depuis 2009).

BULLETIN  DE  SOUSCRIPTION
(jusqu’au 31 mars 2011)

Nom, prénom, adresse postale
Paiement     1 exemplaire + port
France et Monaco : 29 + 6,80   = 35,80 €
Europe et Suisse   : 29 + 16,05 = 45,05 €
Canada et U.S.A.  : 29 + 22,50  = 51,50 €
Japon et Brésil      : 29 + 25,40  = 54,40 €  
¤ Par chèque : libellé au nom de La Nouvelle Revue des livres anciens, 3 B, rue des16e et 22e Dragons,  51100 Reims, France
¤ Par virement à la Société Générale :
- Titulaire du compte : La Nouvelle Revue des livres anciens, 3 B, rue des 16e et 22e Dragons, 51100 Reims, France
- Banque : 30003
- Guichet : 01690
- N° de compte : 00050454614     Clé : 15
- IBAN :  FR76  3000  3016  9000  0504  5461  415
- BIC : SOGEFRPP
La Nouvelle Revue des livres anciens
3 B, rue des 16e et 22e Dragons, F- 51100 Reims
tél. : 03.26.47.89.21  courriel : nrlanciens@gmail.com

Histoire du livre: un an de blog

 

Principales villes de consultation du blog "histoire-du-livre", février 2011
Voici un an que ce blog «histoire-du-livre» fonctionne. Nous avons publié à peu près cent cinquante billets, parfois de simples annonces (conférences, colloques, nouvelles parutions), parfois des billets abordant rapidement telle ou telle question relative à l’histoire du livre. Beaucoup de ces billets sont illustrés.
Le blog semble avoir acquis une certaine vitesse de croisière, puisqu’il reçoit plus de 1600 visites en moyenne par mois, et qu’il sort dans les toutes premières réponses à la question «histoire du livre» (entre guillemets) sur Google.
Les outils mis en place au début de ce mois (février 2011) pour suivre les consultations permettent de constater que la majorité des utilisateurs est francophone, mais que 40 à 50% d’entre eux ne réside pas en France. Nous avons des visiteurs sur les cinq continents, avec cependant une forte proportion en Europe et très peu en Extrême-Orient, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est (voir cliché). La moyenne des consultations est de deux pages, et le détail montre que, comme on pouvait s’y attendre, ce sont les pages de discussion qui restent le plus souvent consultées à long terme.
Selon la formule de Geoffrey Nunberg, on trouve de tout sur Internet, dont les chemins conduisent indifféremment à Rome ou à Disneyworld: en définitive, Internet manque surtout d’outils de manipulation qui soient à la fois commodes et transparents.
L’un des inconvénients majeurs de la structure d’un blog comme celui-ci est aussi de «noyer» les informations les plus anciennes au fur et à mesure que d’autres, plus récentes, s’empilent par dessus. Peut-être la mise à disposition d’un index pour un certain nombre de billets permettrait-elle de répondre pour partie à cette difficulté ? L’index ci-dessous reprend un certain nombre des billets publiés dans la trois premiers trimestres de 2010, soit de février à septembre inclus. Nous le compléterons aussi tôt que possible.

Le bibliothécaire en intellectuel

Le bibliothécaire, comme le savant, est souvent un personnage caricatural, qui se tient comme en dehors du monde, perdu dans des livres pour lesquels il joue plus le rôle de cerbère que de passeur. On pensera ici à certains textes de Pérec, et il faut d’ailleurs bien avouer que tel ou tel de nos souvenirs de telle ou telle expérience dans une bibliothèque vient parfois renforcer le cliché (cf. illustration).
Mais, bien sûr, ce n’est là qu’un cliché. Durant une partie de l’histoire moderne et contemporaine, le rôle du bibliothécaire est au contraire essentiel dans la société de son temps. Il est en charge des livres à une époque où ceux-ci sont relativement rares, et surtout où ils constituent le socle sur lequel s’appuie la construction des savoirs, donc la promesse d’un progrès possible.
Cette configuration atteint l’un de ses moments les plus forts en France à la fin de l’Ancien Régime et sous la Révolution. Les livres contiennent la somme des expériences et des connaissances, ils sont comme un monde virtuel reproduisant le monde réel et permettant de le manipuler, et les bibliothèques fonctionnent donc comme les laboratoires de la civilisation et du progrès. La science des livres, désignée comme la bibliographie, parfois comme la bibliologie, est théorisée par certains auteurs comme la science des sciences. Bibliothécaire de la Haute-Saône, Gabriel Peignot écrit, dans son Manuel bibliographique publié en 1802-1804 (Paris, 2 vol., 1 vol. de suppl.):
«La Bibliologie, embrassant l'universalité des connaissances humaines, s'occupe particulièrement de leurs principes élémentaires, de leur origine, de leur histoire, de leur division, de leur classification et de tout ce qui a rapport à l'art de les peindre aux yeux et d'en conserver le souvenir par le moyen de signes (…). La Bibliographie (…) ne comprend, à proprement parler, que la description technique et la classification des livres, au lieu que la Bibliologie (qui est la théorie de la Bibliographie) présente l'analyse des connaissances humaines raisonnées, leurs rapports, leur enchaînement et leur division; approfondit tous les détails relatifs à l'art de la parole, de l'écriture et de l'imprimerie, et déroule les annales du monde littéraire pour y suivre pas à pas les progrès de l'esprit humain…»
On comprend dès lors que le bibliothécaire occupe une position  stratégique dans la société: spécialiste des livres, il en organise et administre les collections pour les rendre accessibles et intelligibles à ses contemporains. Son rôle concerne à la fois l’ordre du savoir et celui de la politique, puisque l’harmonisation  de la société, qui est le projet des Lumières, passe par l’approfondissement et la diffusion la plus large du savoir, donc des livres. Le futur bibliothécaire de la Bibliothèque du Panthéon, Pierre Claude François Daunou, expose en 1795 à barre de la Convention, en se référant à Condorcet:
«Le perfectionnement de l’état social (…) est le but le plus digne de l’activité de l’esprit humain; & vos élèves, en (…) étudiant l’histoire des sciences & des arts, (…) apprendront sur-tout à chérir la liberté, à détester & à vaincre toutes les tyrannies».
Rien de surprenant, dès lors, à rencontrer un certain nombre de bibliothécaires non pas reclus dans leurs fonds poussiéreux dont ils se feraient comme les gardiens jaloux, mais pleinement engagés dans la société et dans les débats contemporains.
Nous venons de mentionner Daunou, qui en est une figure emblématique (cf. son buste par David d'Angers: le bibliothécaire, «un héros de notre temps»): ce prêtre, enseignant de l’Oratoire, lecteur de Montesquieu et de Rousseau, est pleinement favorable aux réformes de 1789. Le voici député, d’abord à la Convention, et il sera le réformateur de l’Instruction publique et l’organisateur de la nouvelle (et éphémère) République romaine -une mission paradoxale pour un ancien ecclésiastique. Mais sa carrière le conduira aussi à devenir bibliothécaire du Panthéon (l’ancienne Bibliothèque Sainte-Geneviève, dont il enrichit les collections et dont il prépare le catalogue des incunables), garde général des Archives de l’Empire et professeur d’histoire au Collège de France.
Les années 1780-1820 marquent ainsi l’un des temps forts de la construction de la figure de l’intellectuel moderne. Alors que le livre (et les bibliothèques) sont toujours le principal média, le spécialiste des livres et des collections de livres, le bibliothécaire-bibliographe, apparaît comme un acteur engagé travaillant à l'organisation et à l'amélioration de la vie en société. Deux générations plus tard, la démocratie est établie, et le premier média est devenu celui de la presse périodique et des journaux: l'intellectuel est désormais un journaliste. Nous devrions nous attendre à ce qu'aujourd'hui, à l'heure de la «révolution des nouveaux médias», cette configuration change une nouvelle fois, mais ceci est une autre histoire, et elle nous reste à construire.

Cliché: rue Daunou, à Paris.  La figure du bibliothécaire est oubliée, au profit de celle de l"'historien" (sa chaire au Collège de France) et du "législateur". La spécificité de Daunou comme oratorien et comme bibliothécaire est ignorée, et la désignation choisie pour le qualifier s'avère finalement assez banale.