lundi 7 mars 2011

Histoire du livre: annonce de colloque




lundi 14 mars 2011

Charles Nodier

et la passion du livre

Paris,
Bibliothèque de l’Arsenal

Journée d’études organisée par
Élisabeth Parinet (École nationale des chartes) et
Hélène Védrine (Université Paris-Sorbonne)

avec le soutien de
l’École nationale des chartes,
du Centre de recherches
sur la littérature du XIXe siècle,
de l’École doctorale III
de l’université de Paris-Sorbonne,
et de la
Bibliothèque nationale de France

9h45: Ouverture de la journée d’études par Bruno Blasselle, directeur de la Bibliothèque de l’Arsenal
10h: Jacques-Remi Dahan, «Monsieur Nodier, où en sommes-nous avec le livre ?»
10h30: Charles Grivel, «Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux: le récit de l'image»
11h: Roselyne de Villeneuve, «La genèse du Roi de Bohême: avant-textes et avant-propos»
11h30: Discussion et pause
12h: Vincent Laisney, «Le livre en acte: les lectures du cénacle de l'Arsenal»
12h30: Sylvain Ledda, «Nodier, passeur de livres»
13h: Discussion

14h30: Annie Charon, «Nodier et le Bulletin du Bibliophile»
14h45: Jean Viardot, «Nodier bibliomane romantique»
15h30: Discussion et pause
16h: Marine Le Bail, «Charles Nodier: entre bibliothèque réelle et bibliothèque rêvée»
16h30: Emmanuelle Toulet, «Nodier: un certain goût de la reliure»
17h: Discussion

17h30: Visite de la Bibliothèque de l’Arsenal

A 18h30 aura lieu, dans le cadre des Lundis de l’Arsenal, une soirée-lecture au cours de laquelle des textes de Charles Nodier, choisis et présentés par Jean-Luc Steinmetz, seront lus par un comédien.

La journée d’études et la soirée-lecture sont accessibles librement, mais uniquement après inscription auprès du service des visites de la Bibliothèque nationale de France (01 53 79 49 49, du lundi au vendredi, de 10h à 17h, ou par courriel adressé à visites@bnf.fr).

Ill. tirée de l'Histoire du roi de Bohème, Coll. Quelleriana

Histoire du livre et théorie de la communication (2)

La formule de «chaîne du livre»  a en effet été proposée de longue date, pour essayer de rendre compte de la complexité que nous avons dite. Elle présente pourtant l’inconvénient de réintroduire, même sous forme d’une métaphore, l’idée d’une structure linéaire allant de la création (de l’écriture) à la consommation (à la lecture).
Plutôt que cette image, nous suggérons d’utiliser le concept de «système-livre», qui présente à nos yeux l’immense avantage de refléter la complexité toujours sous-jacente dans les phénomènes liés aux médias –autrement dit, aux moyens sociaux de communication. Rappelons la théorie structuraliste: nous désignons comme «système» l’ensemble clos des acteurs et des fonctions intervenant dans le processus de communication organisé autour de l’objet livre (ce terme entendu dans le sens le plus large).
Les acteurs sont globalement connus: les auteurs et tous ceux qui interviennent au niveau du texte (éditeurs, traducteurs, adaptateurs, etc.). Secrétaires et copistes sont aussi à prendre en considération ici. En arrière-plan, ce sont  les investisseurs et les libraires, qui commandent le travail à façon dans les ateliers typograhiques, et qui déterminent non seulement la politique éditoriale de la maison, mais aussi les caractéristiques formelles de la «mise en livre».
On sait que, jusqu’à l’invention des banques modernes au XIXe siècle, la problématique du financement recoupe largement celle de la diffusion: les premiers «éditeurs» sont, souvent, des négociants-banquiers, à l’image d’un Barthélemy Buyer, qui finance la première presse lyonnaise, qui choisit les titres à imprimer et qui en assure la diffusion. En effet, les réseaux contrôlés par le négociant-banquier sont aussi les plus appropriés pour la diffusion de ces nouveaux objets manufacturés que sont les livres imprimés.
L’atelier typographique et les éléments relevant de la fabrication matérielle sont évidemment à prendre en compte: les conditions de fabrication dépendent de l’environnement général, puisqu’il faut non seulement se procurer des matières premières (parchemin, papier, caractères typographiques, etc.) dans de bonnes conditions, mais aussi disposer d’un personnel fiable et dont la présence est à peu près régulièrement assurée. Le cas échéant interviennent encore les autres professionnels actifs au niveau de la fabrication (les graveurs…) ou de la finition (les relieurs).
Poursuivons notre balayage: voici tous les acteurs de la distribution, qu’il s’agisse du libraire de fonds et de l’éditeur, du libraire de détail, mais aussi du grossiste, du commissionnaire, du colporteur, du diffuseur non spécialisé (par ex. les grands magasins), des cabinets de lecture, des clubs de livres, etc., cette typologie variant en fonction des conditions propres qui sont celles du marché du livre à chaque moment et dans chaque géographie. Nous pourrions faire intervenir à ce niveau les bibliothécaires, puisque la bibliothèque constitue à partir du bas Moyen-Âge une institution assurant la lecture en «temps partagé» alors que la poussée de la demande ne peut pas être pleinement satisfaite par les structures de production et de diffusion pré-industrielles.
Le tableau se referme sur deux groupes d’acteurs importants: d’abord, les administrateurs, dont certains regroupent le petit monde des auteurs –par exemple les censeurs en France sous l’Ancien Régime et encore en partie au XIXe siècle. Ensuite et surtout, la société des lecteurs et l’éventail de leurs pratiques, deux catégories dont la typologie est particulièrement multiple et complexe. On sait que le texte n’est pas seul donné par le livre, mais que celui-ci contient bien autre chose qui relève de la «mise en livre» et qui trace comme l’horizon possible de l'appropriation de son contenu.
Dans tous les cas, le premier caractère à retenir est celui de l’intégration du système (le feed back), d’abord en lui-même (les différents acteurs et les différentes fonctions jouent de manière cohérente les uns par rapport aux autres), mais aussi par rapport à la société globale qui l’englobe. Le second caractère concerne les processus de réaction qui interviennent aux différents niveaux. Reprenons une dernière fois l’exemple du texte: ce qui sera donné à lire n’est pas le fait du seul auteur (mais de l’éditeur, des ouvriers typographes, etc.), tandis que la représentation que chacun se fait des opérations qu’il souhaite conduire oriente le contenu de ces opérations mêmes. Le texte sera rédigé et l’ouvrage publié, non seulement en fonction d’un projet intellectuel et de conditions matérielles plus ou moins contraignantes, mais aussi en fonction de ce que les uns et les autres supposent des attentes potentielles du public.
Dans tous les cas, l’intérêt de la catégorie de système réside précisément dans le double impératif, de garantir une cohérence interne, et de prendre en compte les actions et réactions constantes et très nombreuses entre les agents à l’œuvre dans ce cadre. Une première étape de la recherche pourrait consister à tracer les grands axes d’une typologie différenciée du «système-livre» en fonction de la conjoncture (de l’économie du manuscrit aux «révolutions» successives du livre), et en fonction des différentes spécificités d’ordre géographique ou culturel qui peuvent être celles de la librairie.

Cliché. Une scène, pour nous exotique, mais qui est caractéristique d'un certain "système-livre" à Paris dans les années 1880: la lecture d'une nouveauté, par son auteur, devant l'assemblée attentive d'un salon mondain. Nous sommes pratiquement dans un théâtre privé, ce que rappelle le titre de la gravure (ill. tirée du périodique La Vie parisienne, Paris, Librairie Charpentier).

Histoire du livre et théorie de la communication

Un certain nombre de travaux récents relatifs à l’histoire du livre et des médias ont démontré que le schéma classique de la théorie de la communication n’était plus opératoire. Encore repris en tête de la Sociologie de la littérature de Robert Escarpit, ce schéma se développe de manière linéaire, et articule l’émetteur, le message et le récepteur – ou, s’agissant du livre, l’auteur, l’œuvre (et le système de production et de diffusion du livre, alias la «librairie») et le lecteur. Mais cette hypothèse est beaucoup trop sommaire, en ce qu’elle ne prend en compte ni les interactions entre les acteurs, ni le déroulement du temps. Donnons trois exemples qui illustreront cette problématique.
1) Le premier exemple concerne la remise en question de la catégorie (pourtant admise de longue date) de l’auteur en tant qu’une évidence. L’auteur peut rédiger un certain texte, mais ce texte une fois imprimé a pris une forme matérielle plus ou moins différente de l’original, et dont nous savons qu’elle conditionne en partie sa lecture et son appropriation. Le livre imprimé contient en définitive bien plus que le seul texte, qu’il s’agisse de la page de titre et des différents éléments du paratexte, mais aussi de la « mise en livre » elle-même, à savoir le choix d’un format, d’une typographie, d’une mise en page, sans parler des illustrations, etc.
En somme, à la source du texte, nous trouvons certes celui «qui écrit» (pour reprendre l’intitulé du séminaire de Villeurbanne régulièrement annoncé sur ce blog), mais aussi un certain nombre d’autres intervenants au niveau notamment de l’éditeur et de l’atelier typographique (le prote, le metteur en pages, le compositeur).
La situation se complique encore dans le cas par exemple d’une traduction: l’exemple, souvent convoqué, du Narrenschiff de Sébastien Brant montre que la traduction de l’original allemand en latin aboutit de fait à un texte très largement nouveau, dont le traducteur, Jakob Locher, est pratiquement devenu l’auteur. Comme que les traductions dans d’autres langues vulgaires (le français, etc.) se font non pas sur l’original, mais sur le latin, la distance s’accroît d’autant. Sans parler du rôle de l’éditeur commercial (du libraire), qui sera souvent celui qui prend l’initiative de faire rédiger un certain texte par un auteur rétribué pour ce faire.
2) Ce que nous venons de dire de l’auteur montre que le message lui-même, le texte, désigne également une entité plus indécise qu’on ne croirait: le texte du Narrenschiff traduit en latin correspond en fait à un texte nouveau, celui de la Stultifera navis, que l’on attribue à Brant mais qui en réalité est pratiquement de Locher. La bibliographie matérielle nous a montré par ailleurs que, tout au long de l’époque moderne, le texte d’une certaine œuvre changeait d’une édition à l’autre, mais la complexité du processus de fabrication explique que cette incertitude ce retrouve entre les exemplaires d’une édition donnée (d’où les concepts d’émission, etc.). Les auteurs eux-mêmes se plaignent de la fiabilité médiocre de certaines éditions de leurs œuvres, par exemple au XVIIIe siècle notamment pour les contrefaçons. En somme, pas plus que la catégorie de l’auteur (de l’émetteur), celle du texte (du message) ne peut être considérée comme absolument univoque.
3) Nous pourrions revenir, pour conclure momentanément ce billet, sur la problématique bien connue de la lecture et de la réception: on connaît la formule selon laquelle «les nouveaux lecteurs font de nouveaux textes», parce que chaque performance de lecture débouche sur une appropriation spécifique du texte. Mais nous préférons insister, dans cette même logique, sur le rôle de l’interaction et du temps: les trois éléments définis par la théorie de la communication (émetteur, message, récepteur) ne sont absolument pas indépendants les uns des autres. Par exemple, l’initiative et la rédaction d’un texte ne se font pas toujours a priori, mais prennent en compte la représentation de sa réception possible par un certain lectorat –on connaît l’exemple du Pantagruel de Rabelais. Autrement dit, la représentation du public auquel on s’adresse (du récepteur) intervient au niveau du travail de l’auteur et à celui de l’écriture elle-même pour faire du texte, pour partie, un intertexte, soumis aux impératifs du mécénat ou à celles du marché.
Plus que devant une simple mécanique linéaire, nous sommes en réalité devant un réseau d’interactions imbriquées, et qui se déploient aussi bien sur le plan matériel (par ex., le livre comme objet) que sur celui des pratiques (par ex., la lecture) et sur celui des représentations. Nous envisagerons, dans un prochain billet, comment le concept de «système-livre» (plus que celui de «chaîne du livre») permet de répondre à un certain nombre de ces difficultés

Conférences d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 21 février 2011
14h-16h
Histoire des bibliothèques à la période moderne:
les bibliothèques dans la ville (4)
Les bibliothèques méridionales (suite) :
savants et libraires en Provence et en Languedoc. Les bibliothèques et le travail savant
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
Autour de 1800:
le bibliothécaire comme intellectuel
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Consultez aussi l'index matières du blog.

Histoire du livre: souscription pour une monographie consacrée à Cazin

 Cazin, l’éponyme galvaudé

Un volume in-8° (14 x 22, 5 cm.), d’environ 360 pages, avec 1 frontispice, 1 tableau généalogique et 65 illustrations à pleine page, tiré à 300 exemplaires, dos carré, collé et cousu.
Fruit de plus de quinze années de recherches sur le célèbre libraire et éditeur parisien, d’origine rémoise, Hubert-Martin Cazin (1724-1795), cet ouvrage, préfacé par Christian Galantaris, libraire expert honoraire près la Cour d’appel de Paris, renouvelle la biographie et la bibliographie de Cazin pour lesquelles les bibliophiles, les libraires, les bibliothécaires et les universitaires ne disposent que d’un ouvrage fautif publié il y a un siècle et demi.

TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE
INTRODUCTION
CHAPITRE I. Les Bio-bibliographes de Cazin
1- Avant Brissart-Binet 
2- Brissart-Binet
3-  Après Brissart Binet
CHAPITRE II. Les Cazin à Reims avant Cazin (1673-1754)
CHAPITRE III. Cazin libraire à Reims (1755-1781)
1- Les Affaires bouillonnaises
2- Correspondance neuchâteloise
3- Débuts valadiens
CHAPITRE IV. Cazin libraire à Paris (1782-1795)
1- Associé de Valade (1782-1784)
2- Libraire rue des Noyers (1784-1785)
3- Libraire rue des Maçons (1786-1792)
4- Libraire rue du Coq (1792-1793)
5- Libraire rue Pavée (1793-1795)
CHAPITRE V. Les Cazin après Cazin
CHAPITRE VI. Identification des éditions in-18 de Cazin
1- Faux Cazins  
2- Reliure
3- Format.
4- Papier
5- Architecture de la page
6- Matériel typographique
7- Gravures
8- Catalogues et journaux contemporains
CHAPITRE VII. Les Éditions authentiques de Cazin
NOTES
SOURCES
REMERCIEMENTS
INDEX
LISTE DES SOUSCRIPTEURS

Jean-Paul Fontaine
Auteur :  Le Livre des livres (Paris, Hatier, 1994), Physiopathologie et terminologie médicale (Paris, Bertrand-Lacoste, 2005), Bibliolexique à l’usage de l’amateur de livres (Paris, Éditions des Cendres, 2007).
Coauteur : Jean Berque (1896-1954) illustrateur (Reims, Le Bibliophile rémois, 1992), Dictionnaire encyclopédique du livre (Paris, Cercle de la Librairie, 2002, A-D et 2005, E-M), Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au xviie siècle (Baden-Baden & Bouxwiller, Valentin Koerner, 2005, t. XXVII, p. 73-171), Mélanges offerts à Christian Galantaris (Paris, Librairie Anne Lamort, 2009, p. 67-80).
Articles : Art & métiers du livre, Archives et bibliothèques de Belgique, Le Livre & l’estampe, Bulletin du bibliophile, Le Magazine du bibliophile, La Nouvelle Revue des livres anciens.
Éditeur : Le Bibliophile rémois (Reims, 1985-2004), Jacob (Max). Petite astrologie (Reims, Le Bibliophile rémois, 1989), Bidet (Nicolas). Traité sur la culture des vignes (Reims, Le Bibliophile rémois, 1991).
Coéditeur : La Nouvelle Revue des livres anciens (depuis 2009).

BULLETIN  DE  SOUSCRIPTION
(jusqu’au 31 mars 2011)

Nom, prénom, adresse postale
Paiement     1 exemplaire + port
France et Monaco : 29 + 6,80   = 35,80 €
Europe et Suisse   : 29 + 16,05 = 45,05 €
Canada et U.S.A.  : 29 + 22,50  = 51,50 €
Japon et Brésil      : 29 + 25,40  = 54,40 €  
¤ Par chèque : libellé au nom de La Nouvelle Revue des livres anciens, 3 B, rue des16e et 22e Dragons,  51100 Reims, France
¤ Par virement à la Société Générale :
- Titulaire du compte : La Nouvelle Revue des livres anciens, 3 B, rue des 16e et 22e Dragons, 51100 Reims, France
- Banque : 30003
- Guichet : 01690
- N° de compte : 00050454614     Clé : 15
- IBAN :  FR76  3000  3016  9000  0504  5461  415
- BIC : SOGEFRPP
La Nouvelle Revue des livres anciens
3 B, rue des 16e et 22e Dragons, F- 51100 Reims
tél. : 03.26.47.89.21  courriel : nrlanciens@gmail.com

Histoire du livre: un an de blog

 

Principales villes de consultation du blog "histoire-du-livre", février 2011
Voici un an que ce blog «histoire-du-livre» fonctionne. Nous avons publié à peu près cent cinquante billets, parfois de simples annonces (conférences, colloques, nouvelles parutions), parfois des billets abordant rapidement telle ou telle question relative à l’histoire du livre. Beaucoup de ces billets sont illustrés.
Le blog semble avoir acquis une certaine vitesse de croisière, puisqu’il reçoit plus de 1600 visites en moyenne par mois, et qu’il sort dans les toutes premières réponses à la question «histoire du livre» (entre guillemets) sur Google.
Les outils mis en place au début de ce mois (février 2011) pour suivre les consultations permettent de constater que la majorité des utilisateurs est francophone, mais que 40 à 50% d’entre eux ne réside pas en France. Nous avons des visiteurs sur les cinq continents, avec cependant une forte proportion en Europe et très peu en Extrême-Orient, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est (voir cliché). La moyenne des consultations est de deux pages, et le détail montre que, comme on pouvait s’y attendre, ce sont les pages de discussion qui restent le plus souvent consultées à long terme.
Selon la formule de Geoffrey Nunberg, on trouve de tout sur Internet, dont les chemins conduisent indifféremment à Rome ou à Disneyworld: en définitive, Internet manque surtout d’outils de manipulation qui soient à la fois commodes et transparents.
L’un des inconvénients majeurs de la structure d’un blog comme celui-ci est aussi de «noyer» les informations les plus anciennes au fur et à mesure que d’autres, plus récentes, s’empilent par dessus. Peut-être la mise à disposition d’un index pour un certain nombre de billets permettrait-elle de répondre pour partie à cette difficulté ? L’index ci-dessous reprend un certain nombre des billets publiés dans la trois premiers trimestres de 2010, soit de février à septembre inclus. Nous le compléterons aussi tôt que possible.

Le bibliothécaire en intellectuel

Le bibliothécaire, comme le savant, est souvent un personnage caricatural, qui se tient comme en dehors du monde, perdu dans des livres pour lesquels il joue plus le rôle de cerbère que de passeur. On pensera ici à certains textes de Pérec, et il faut d’ailleurs bien avouer que tel ou tel de nos souvenirs de telle ou telle expérience dans une bibliothèque vient parfois renforcer le cliché (cf. illustration).
Mais, bien sûr, ce n’est là qu’un cliché. Durant une partie de l’histoire moderne et contemporaine, le rôle du bibliothécaire est au contraire essentiel dans la société de son temps. Il est en charge des livres à une époque où ceux-ci sont relativement rares, et surtout où ils constituent le socle sur lequel s’appuie la construction des savoirs, donc la promesse d’un progrès possible.
Cette configuration atteint l’un de ses moments les plus forts en France à la fin de l’Ancien Régime et sous la Révolution. Les livres contiennent la somme des expériences et des connaissances, ils sont comme un monde virtuel reproduisant le monde réel et permettant de le manipuler, et les bibliothèques fonctionnent donc comme les laboratoires de la civilisation et du progrès. La science des livres, désignée comme la bibliographie, parfois comme la bibliologie, est théorisée par certains auteurs comme la science des sciences. Bibliothécaire de la Haute-Saône, Gabriel Peignot écrit, dans son Manuel bibliographique publié en 1802-1804 (Paris, 2 vol., 1 vol. de suppl.):
«La Bibliologie, embrassant l'universalité des connaissances humaines, s'occupe particulièrement de leurs principes élémentaires, de leur origine, de leur histoire, de leur division, de leur classification et de tout ce qui a rapport à l'art de les peindre aux yeux et d'en conserver le souvenir par le moyen de signes (…). La Bibliographie (…) ne comprend, à proprement parler, que la description technique et la classification des livres, au lieu que la Bibliologie (qui est la théorie de la Bibliographie) présente l'analyse des connaissances humaines raisonnées, leurs rapports, leur enchaînement et leur division; approfondit tous les détails relatifs à l'art de la parole, de l'écriture et de l'imprimerie, et déroule les annales du monde littéraire pour y suivre pas à pas les progrès de l'esprit humain…»
On comprend dès lors que le bibliothécaire occupe une position  stratégique dans la société: spécialiste des livres, il en organise et administre les collections pour les rendre accessibles et intelligibles à ses contemporains. Son rôle concerne à la fois l’ordre du savoir et celui de la politique, puisque l’harmonisation  de la société, qui est le projet des Lumières, passe par l’approfondissement et la diffusion la plus large du savoir, donc des livres. Le futur bibliothécaire de la Bibliothèque du Panthéon, Pierre Claude François Daunou, expose en 1795 à barre de la Convention, en se référant à Condorcet:
«Le perfectionnement de l’état social (…) est le but le plus digne de l’activité de l’esprit humain; & vos élèves, en (…) étudiant l’histoire des sciences & des arts, (…) apprendront sur-tout à chérir la liberté, à détester & à vaincre toutes les tyrannies».
Rien de surprenant, dès lors, à rencontrer un certain nombre de bibliothécaires non pas reclus dans leurs fonds poussiéreux dont ils se feraient comme les gardiens jaloux, mais pleinement engagés dans la société et dans les débats contemporains.
Nous venons de mentionner Daunou, qui en est une figure emblématique (cf. son buste par David d'Angers: le bibliothécaire, «un héros de notre temps»): ce prêtre, enseignant de l’Oratoire, lecteur de Montesquieu et de Rousseau, est pleinement favorable aux réformes de 1789. Le voici député, d’abord à la Convention, et il sera le réformateur de l’Instruction publique et l’organisateur de la nouvelle (et éphémère) République romaine -une mission paradoxale pour un ancien ecclésiastique. Mais sa carrière le conduira aussi à devenir bibliothécaire du Panthéon (l’ancienne Bibliothèque Sainte-Geneviève, dont il enrichit les collections et dont il prépare le catalogue des incunables), garde général des Archives de l’Empire et professeur d’histoire au Collège de France.
Les années 1780-1820 marquent ainsi l’un des temps forts de la construction de la figure de l’intellectuel moderne. Alors que le livre (et les bibliothèques) sont toujours le principal média, le spécialiste des livres et des collections de livres, le bibliothécaire-bibliographe, apparaît comme un acteur engagé travaillant à l'organisation et à l'amélioration de la vie en société. Deux générations plus tard, la démocratie est établie, et le premier média est devenu celui de la presse périodique et des journaux: l'intellectuel est désormais un journaliste. Nous devrions nous attendre à ce qu'aujourd'hui, à l'heure de la «révolution des nouveaux médias», cette configuration change une nouvelle fois, mais ceci est une autre histoire, et elle nous reste à construire.

Cliché: rue Daunou, à Paris.  La figure du bibliothécaire est oubliée, au profit de celle de l"'historien" (sa chaire au Collège de France) et du "législateur". La spécificité de Daunou comme oratorien et comme bibliothécaire est ignorée, et la désignation choisie pour le qualifier s'avère finalement assez banale.

Séminaire d'histoire du livre

Séminaire "Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur... 
Qui écrit?
La prochaine séance du séminaire
"Auteur, traducteur, collaborateur, imprimeur...
Qui écrit ?"
aura lieu le
mercredi 9 février 2011
à 17h00

Philippe Guérin,
Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
"Celui qui écrit le dialogue en est-il l'auteur?
Remarques sur l'écriture dialogique
en Italie à la Renaissance"

Organisation du séminaire:
Martine Furno, Raphaële Mouren

Entrée libre sans inscription
Les séances ont lieu de 17h à 19h à l'enssib, salle N.1.29
17-21 bd du 11 novembre 1918 - 69623 Villeurbanne cedex - 04 72 44 43 43
Tramway T1 "Université Lyon 1" - Bus 59, 59E, 70 "Stalingrad Parc"

Communiqué par Raphaële Mouren
maître de conférences à l'Enssib,
Présidente, IFLA Rare Books and Manuscripts Section

Conférences d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 7 février 2011
14h-16h
Histoire des bibliothèques à la période moderne (3):
les bibliothèques dans la ville (3)
Les bibliothèques des institutions scientifiques (suite et fin) : la mise en place d'instruments professionnels dans les écoles de chirurgie, musées d'histoire naturelle et hôpitaux au XVIIIe siècle. Les bibliothèques méridionales (1ère partie) : savants et bibliophiles, entre Aix et Montpellier.
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
Le bibliothécaire en politique:
Pierre Claude François Daunou
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études
Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).

Cliché:  P. C. F. Daunou, buste par David d'Angers (Galerie David d'Angers, Angers. Cliché Fabrice Pluquet: http://www.trekearth.com/members/loupiot/).

Histoire du livre et définition du patrimoine

Qu’est-ce que le patrimoine, et en quoi ce concept a-t-il à voir avec les fonds des bibliothèques, dont l’histoire est connue pour sa complexité?
«Patrimoine»: le mot est devenu très à la mode depuis les années 1980, mais on sait que les catégories sont paradoxalement d’autant plus mal connues qu’elles sont plus célèbres, donc plus banales. Les formules faisant référence à «patrimoine» se multiplient, qui débouchent souvent sur une forme de revendication découlant d’un état de nature ou d’évidence (la «légitimité» du patrimoine, ou encore la fierté des «racines»).
Avouons au passage que nous n’approuvons pas la tendance qui consiste à utiliser un terme «en vogue» là où un autre, pourtant adapté, sera négligé parce que paraissant moins «porteur»: par exemple, dans le Bulletin des bibliothèques de France, dans la formule «Valoriser le patrimoine des revues en sciences humaines et sociales», patrimoine désigne tout simplement le contenu de ces revues (BBF, 2004, t. 49, n° 1, p. 88-89).
Dans ce type de problématique, le recours au lexique est révélateur: le lexique n’est pas neutre ni donné une fois pour toutes, mais il a une histoire. La racine latine (<patrimonium) désigne l’avoir d’une famille ou d’une communauté(<pater, père, au sens large de «chef de famille» plus qu’au sens biologique). Ce qui prime, c’est la définition d’un objet matériel et l’ordre du droit. Dans sa première édition, le Dictionnaire de l’Académie française (1694) s’en tient à cette acception: le patrimoine, c'est «le bien qui vient du père & de la mère, qu'on a hérité de son père & de sa mère».
Ce n’est qu’à l’époque contemporaine que se répandent les acceptions dérivées par analogie ou par métaphore. Complété par une épithète, «patrimoine» s’applique peu à peu à toutes sortes de domaines comme ceux de la biologie et de l’écologie (le patrimoine génétique, voire halieutique, etc.) ou encore de l’ethnologie… et des bibliothèques (le patrimoine livresque). L’acception actuelle la plus courante se rencontre ici, le patrimoine désignant ce qui a été reçu des générations antérieures, et envers quoi on aura une certaine obligation morale de préservation.
L’articulation avec la construction du droit romain explique que l’on ne trouve souvent pas l’équivalent direct du terme dans les langues non-latines, par ex. l’allemand.
Or, un renversement tend aujourd’hui à s’opérer, d’autant plus important qu’il reste mal perçu: le patrimoine n’est plus donné par la collectivité, mais il la définit. Dans la tradition politico-juridique romaine, dans laquelle s’inscrivent les Lumières puis la révolution démocratique, la collectivité nationale se définit comme l’ensemble des citoyens jouissant d’un certain nombre de droits, remplissant un certain nombre de devoirs et constituant par la même cette collectivité.
Après 1789, la «nation» désigne donc une certaine construction politique et juridique, et non pas d’abord un État s’inscrivant dans une géographie déterminée, non plus que la résultante d’un certain nombre de caractéristiques «nationales» telles qu’une langue commune, une religion dominante, une histoire commune, etc. Les «livres nationaux» et les «bibliothèques nationales» de la période révolutionnaire sont à comprendre dans cette acception, d’après laquelle c’est la nation au sens politique du terme qui définit comme tel son «patrimoine national».
La montée en puissance des nationalités à partir de la fin du XVIIIe et surtout au XIXe siècle tendra à recouvrir ce schéma, jusqu’à non seulement l’inverser, mais à faire paraître cette inversion comme naturelle: là où la collectivité définissait son patrimoine, c’est, au contraire, le patrimoine (au premier chef le patrimoine linguistique) qui identifie la collectivité. Débaptiser la Bibliothèque nationale en Bibliothèque nationale de France peut aussi être interprété comme une manière de consacrer ce renversement.
Il n’est pas inutile d’avoir une idée de ces problématiques, parce que le premier patrimoine dont la bibliothèque est le représentant, c’est la bibliothèque elle-même en tant non seulement qu’ensemble de collections, voire de collections anciennes (le patrimoine au sens étroit du terme), mais aussi en tant que structure institutionnelle, en tant qu’espace, en tant que pratique (ou ensemble de pratiques) et en tant que représentation (ou ensemble de représentations). Nous plaidons par conséquent pour une acception large, dans notre domaine, du terme de patrimoine: en relève ce qui est présent dans les bibliothèques à un moment donné, dont on pense que cela a une signification du point de vue de la conservation et dont il importe, le cas échéant, de fournir à nos contemporains des clés pour une intelligibilité possible.
Pour l’historien, tout concept ou phénomène est justiciable d’un processus d’historicisation: il doit être replacé dans un certain contexte, qu’il s’agisse des antécédents, du développement ou de ce qui se produit ensuite, et qui ne relève pas nécessairement de la causalité. Dans cette perspective, le patrimoine non plus n’est pas une donnée a priori, relevant de l’état de nature, mais il est aussi une donnée qui se construit et qui se déploie dans le temps, c'est-à-dire dans la culture et dans l'histoire.

Note bibliographique
Hans-Jürgen Lüsebrink, «Historische Semantik als Diskurspargmatik: der Begriff Nation in Frankreich und Deutschland», dans H.-J. Lüsebrink, R. Reichardt, Kulturtransfer im Epochenumbruch, Leipzig, 1997, p. 851-875. Frédéric Barbier, «Patrimoine, production, reproduction», dans Bulletin des bibliothèques de France, 2004, n° 5, p. 11-20. Trad. italienne: «Fra produzione e riproduzione. Cos’e’ il patrimonio libraio», dans Prometeo. Rivista trimestriale du scienze e storia, 23e année, n° 91 (sept. 2005), p. 16-25.
Cliché: la Bibliothèque du château de Chantilly (détail).

Une plateforme pour les comptes rendus

La Bibliothèque d'État de Bavière (Bayerische Staatsbibliothek) à Munich annonce la mise en ligne (depuis le 21 janvier dernier) de recensio.net, plateforme de recensions d'ouvrages pour la recherche historique européenne: http://www.recensio.net/front-page-fr
Dans la lignée fondée par les grandes revues bibliographiques de l'Ancien Régime, dont au premier chef le Journal des savants, recensio.net est conçu comme une plateforme plurilingue européenne destinée à héberger des recensions de travaux scientifiques d’histoire. Financé par l’Agence allemande pour la recherche (Deutsche Forschungsgemeinschaft), elle associe la Bibliothèque d’État de Bavière à Munich (BSB), l’Institut historique allemand de Paris (IHA) et l’Institut d’histoire européenne de Mayence (IEG).
Le projet repose sur trois axes principaux:
1) recensio.net rassemble d'abord des comptes rendus critiques «classiques». Mais les rédactions de revues classiques publiant des comptes rendus peuvent aussi donner à ceux-ci une plus grande visibilité en les mettant en ligne (en prépublication ou en postdocument). Le site n’exige pas l’exclusivité de ses contenus, mais a pour objectif de rassembler des comptes-rendus souvent épars et difficiles d’accès pour les mettre à la disposition de la communauté des chercheurs. Les comptes rendus sont référencés dans le catalogue thématique et par le biais du moteur de recherche de la plateforme.
2) recensio.net est en route en route vers le « web 2.0 », autrement dit vers le web participatif: en effet, les auteurs peuvent y publier les principales thèses développées dans leurs travaux (articles ou monographies). Des commentaires d’internautes filtrés par un modérateur donneront progressivement lieu à des recensions animées et interactives et à des discussions. Les ressources  scientifiques disponibles sur Internet peuvent aussi être signalées et évaluées, afin de prendre en compte un phénomène de développement continu. Ces procédures semblent plus adaptées aux nouvelles pratiques de travail: si les contraintes de temps empêchent souvent de rédiger un compte rendu en forme, l'ajout d'un commentaire en ligne permet de prendre plus rapidement position sur un aspect particulier de l’ouvrage, y compris dans une discipline connexe (par ex., la sociologie).
3) En règle générale, seuls les monographies ou les ouvrages en collaboration faisaient jusqu'à présent l'objet de comptes rendus. En offrant la possibilité de traiter d'articles isolés, parus dans des revues ou autres, recensio.net souhaite aider ce genre pourtant fondamental à acquérir une position plus centrale dans le discours scientifique.

recensio.net propose par conséquent: une visibilité des comptes rendus largement accrue par l’utilisation de la fonction recherche de la plateforme et par l’accès au catalogue OPAC; une nette accélération du processus de publication, permettant d’être plus en phase avec la parution de l’ouvrage commenté; et, au total, l’adaptation aux pratiques de lecture actuelles, différentes pour les recensions et pour les articles.
La Bibliothèque d’État de Bavière se charge d’enrichir les comptes rendus par l’ajout de métadonnées. Elle garantit le lien avec le catalogue OPAC de la Fédération des bibliothèques de Bavière (BVB), ainsi qu’un archivage pérenne des documents mis en ligne. Tous les contenus sont accessibles gratuitement sans limite de durée. Les comptes rendus critiques publiés se concentrent sur les travaux publiés en Europe et portant sur un ou sur plusieurs pays d’Europe. Les langues de navigation sur la plateforme sont l’allemand, l’anglais et le français, mais les comptes rendus peuvent être rédigés dans toute langue européenne.

Vous pouvez dès à présent participer au projet recensio.net: http://www.recensio.net/ueberuns-fr/mitmachen-bei-recensio.net.
N’hésitez pas à contacter le service: http://www.recensio.net/ueberuns-fr/kontakt
(Communiqué par Raphaële Mouren)

Sébastien Brant et la Stasi

Plus de vingt ans après la chute du Mur de Berlin, et alors que d'autres troubles se propagent dans d'autres pays (la Tunisie, l'Égypte...) à la recherche de plus de démocratie, nous avons beaucoup appris sur l'ancien régime de la République (dite) démocratique allemande, qu'il s'agisse par exemple du véritable élevage auquel étaient soumis les sportifs de haut niveau ou d'une Sécurité d'État omniprésente, la tristement célèbre Stasi (Staatssicherheit).
Face à une répression institutionnalisée, l'expression du mécontentement prend des formes subtiles. On connaît le thème du Narrenschiff (la Nef des fous) de Sébastien Brant: le bruit se répand partout dans le pays qu'un navire va être armé pour gagner le fabuleux pays de Cocagne, la Narragonie. Tous les habitants s'embarquent, et la nef surchargée prend le large. La page de titre de l'édition originale allemande (1494) illustre la scène, reprise à partir de 1497 au titre des éditions latines successives et qui s'imposera rapidement comme un véritable topos.
En République démocratique, le professeur Manfred Lemmer était un des meilleurs spécialistes et éditeurs modernes de Brant, auquel il a notamment consacré une étude sur l'iconographie (Leipzig, 1979). Dans les années 1981-1983, lui-même ou un proche surcharge au crayon une photocopie de la gravure de la nef, de façon à représenter parmi les fous les principales figures politiques du pays. Une seule photocopie du dessin est aujourd'hui connue, dans les archives de l'université de Halle / Wittenberg: le document a servi à Lemmer de support pour une lettre à son collègue Thomas Wilhelmi, alors en Suisse, et il a réussi à passer à travers la censure. Il est probable que d'autres photocopies avaient été réalisées.
Les détails de l'image sont significatifs: la nef va au hasard, sans ancre ni voiles, tandis qu'un phylactère proclame le but de l'expédition, "Ad Narragoniam" (alld. der Narre = le fou. La Narragonie désigne donc le pays des fous). La gravure est attribuée au "Maître de Hainz Narr".
Mais, sur notre variante, l'étendard brandi au centre de la composition porte le symbole de la RDA (les différents motifs des travailleurs: un compas, un marteau, et une gerbe de blé); un fou avec un chapeau et un brassard marqué "mfs" se tient debout au centre: il s'agit d'Erich Mielke, responsable du ministère de la Sécurité d'État (Ministerium für Staatssicherheit). Mielke s'adresse au fou devant lui, également représenté à moitié nu et qui personnifie la justice soumise à la police.
Sur la gauche, la figure du fou tombant à l'eau est reprise de Brant, mais celui qui le pousse est désormais un membre de la police populaire (la VOPO, Volkspolizei) qui brandit une matraque. En arrière, l'homme au crâne chauve et aux lunettes est Erich Honecker lui-même. Il serre le sein d'une femme qu'il empêche dans le même temps de parler. Un ouvrier, le casque sur la tête, est à la proue du navire, mais, comme tous ses compagnons, il regarde en arrière.
Manfred Lemmer a expliqué s'être consacré à Brant et à son Narrenschiff pour mieux supporter le système politique auquel il était quotidiennement confronté. On imagine le danger très réel que pouvait représenter, dans un pays totalitaire, une semblable critique "antipatriotique". Mais le détournement iconographique de la Nef démontre aussi l'actualité constante de la thèse de Brant: sous une forme plus ou moins visible et plus ou moins odieuse, la folie humaine est de toutes les époques.
(Communication de Thomas Wilhelmi, et d'après une étude de Nikolaus Henkel).

Histoire du livre: un support pédagogique...

Nous avons déjà mis en ligne deux petites vidéos humoristiques, la première sur le passage du volumen au codex au (autrement dit, sur les joies du changement de support), la seconde sur le caractère novateur de ce dernier ("révolution dans les médias: le dernier cri?"). En considérant que ce blog a pris depuis un moment une forme très, voire trop sérieuse, nous pensons qu'il peut être temps de mettre en ligne une nouvelle création, découverte un petit peu par hasard sur Internet: une vidéo grâce à laquelle on peut, encore une fois, faire des progrès en linguistique (aujourd'hui, non plus en norvégien ou en portugais, mais plus banalement en anglais), tout en révisant un certain nombre de données, malgré tout assez primaires, sur le personnage de Gutenberg et sur son rôle, sans oublier de s'initier aux nouvelles techniques pédagogiques venues, comme il se doit, du monde anglo-saxon. On appréciera au passage la qualité graphique du montage: Oh Johannes! Yeah Gutenberg! Une manière de commencer la journée avec entrain!

Conférence d'histoire du livre

Lundi 24 janvier 2011
16h-18h
L'apprentissage dans les métiers du livre
sous l'Ancien Régime
par
Monsieur Jean-Dominique Mellot,
conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France

La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Voir le billet sur l'iconographie et les ateliers typographiques d'Ancien Régime.

Histoire du livre et histoire de la langue: de retour d'un séminaire

Le séminaire qui vient de se tenir à Munich (dans le cadre d’un programme Eurolab Lille/Munich) envisageait une problématique très originale: il s’agissait de voir dans quelle mesure le changement de média, en l’occurrence le passage du manuscrit à l’imprimé aux XVe et XVIe siècles, a pu jouer un rôle sur la plan de la fixation de la langue écrite, et pour la promotion des langues vernaculaires. Par ailleurs, la perspective comparatiste, surtout franco-allemande, dominait les débats. Si la thématique de la «langue imprimée» a été prise en compte par un certain nombre de contributions, c’est donc la philologie qui, à Munich, était à la base du travail.
S’agissant de fixation et de normalisation, les constatations sont tangibles: le discours imprimé est effectivement peu à peu normalisé quelques générations après l’apparition de l’imprimerie. Nous savons le très grand nombre de textes et de publications qui, par exemple en France dans les premières décennies du XVIe siècle, abordent la question de la fixation de la langue vernaculaire, réfléchissent sur son enrichissement et sur son statut, traitent de son orthographe et de sa «mise en texte», etc. Mais il reste, à notre sens, à développer réellement l'approche comparatiste, ainsi qu'à construire le lien qui serait susceptible, par hypothèse, d’articuler le basculement d’un média à l’autre (du manuscrit à l’imprimé) avec le changement de rapport à la langue écrite –et désormais imprimée.
Comme au colloque du Mans, l’attention a été portée de manière privilégiée sur l’atelier d’imprimerie et sur son fonctionnement. Laissons de côté la question, abordée à plusieurs reprises, de la distinction fonctionnelle entre l'imprimeur, le libraire de fonds et éventuellement le capitaliste négociant. Le cas de Bâle, tout comme ceux de Strasbourg et de Lyon, illustre plus particulièrement des exemples de villes dans lesquelles certaines officines publient en plusieurs langues, latin, allemand, français, voire dans d’autres langues «modernes», notamment italien et espagnol. La production de dictionnaires et de vocabulaires vient parfois enrichir l’éventail des titres.
Plusieurs observations ont été soulevées au fil du séminaire, explicitement ou implicitement. D'abord, nous venons d'y faire allusion, le comparatisme est un exercice complexe, et il est difficile de prendre systématiquement en considération le statut différent qui peut être celui de la langue vernaculaire à l’époque de la Renaissance selon que l’on est en France, dans les pays germaniques ou encore en Italie, voire en Espagne. S’agissant du français, le rôle précoce du roi (Jean le Bon, et surtout Charles V) et de la cour, à Paris au XIVe siècle, paraît absolument décisif pour les évolutions futures. La langue vernaculaire est la langue de la cour et des élites, quand les langues régionales ont pu conserver, pour le plus grand nombre, un effet de fragmentation (sans parler de l'accès à l'écrit, le français de la cour est-il compris dans le royaume?).
Par rapport à des problématiques historiques aussi ambitieuses que peut celle des langues vernaculaires à la Renaissance, l’approche à partir des contenus des textes repousse davantage en arrière-plan ce qui relève de la réception de ces mêmes textes, et parfois de l’économie du livre -le terme d'économie étant à prendre au sens le plus large. Le statut du discours surtout semble rester ambigu: que les imprimeurs et surtout les libraires éditeurs célèbrent la langue moderne est une chose, que cette célébration dépasse le cadre de la seule mise en scène ou du seul discours est une autre chose. L'attention donnée au contenu textuel peut avoir pour effet d'occulter la problématique dominante, qui est à nos yeux celle de la "marchandise".
Face à la situation de la Renaissance, on a le sentiment de se trouver devant une logique à plusieurs niveaux. L'innovation apportée par la typographie en caractères mobiles et par ses prolongements porte sur la constitution d'un marché du livre et de l'écrit qui n'existait nullement dans les mêmes termes à l'époque de l'exclusivité du manuscrit. Or, sur le plan quantitatif, le rôle du marché est décisif dans l’économie du livre et des textes imprimées: la langue vernaculaire intéressera logiquement un public plus vaste que celui de la langue traditionnelle de culture, à savoir le latin. Et c’est la nécessité de promouvoir l’innovation de produit qui pousse certains imprimeurs libraires, en Allemagne comme en France, à publier ce qui n’existait pas antérieurement dans les mêmes conditions, à savoir des textes en langue vulgaire et des textes d'auteurs contemporains. La recherche de débouchés nouveaux poussera plus tard à lancer d'autres produits eux-mêmes nouveaux, qu'il s'agisse de la "mise en livre" ou du contenu textuel.
Pourtant, l’avantage commercial ne résume évidemment pas les seuls gains possibles, comme l'ont montré certaines interventions: ceux-ci peuvent aussi relever du capital social (un Vérard à la cour de France) ou du capital culturel (le fait de publier en plusieurs langues fonctionne aussi comme une démonstration de la "distinction" d’une officine). À cet égard, le choix de privilégier un cadre chronologique large se révèle très pertinent, car il est le seul à permettre la mise en évidence des évolutions possibles -même si la démonstration reste à produire. Enfin, il semble parfois difficile de faire le départ entre ce qui tient à une volonté de normaliser la langue et ce qui relève des pratiques quotidiennes de l’atelier typographique (notamment les protes et les correcteurs, voire les compositeurs).
Nous reviendrons sur la question de la traduction, également abordée par le séminaire, mais nous voulons souligner dès à présent l’originalité des thèmes envisagés par le projet en même temps que leur ambition, et la richesse des discussions qui ont pu se dérouler à Munich.

Cliché: la Bibliothèque de l’État de Bavière (Bayerische Staatsbibliothek), cliché F. Barbier.

Histoire des bibliothèques à la période moderne (2) Les bibliothèques dans la ville (2) : les institutions scientifiques

Lundi 24 janvier 2011
14h-16h
Histoire des bibliothèques à la période moderne (2).
Les bibliothèques dans la ville (2) : les institutions scientifiques
par
Madame Emmanuelle Chapron,
maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille
chargée de conférences à l’EPHE
16h-18h
De l’étude à la tribune, les bibliothécaires à la période moderne: l'exemple de l'abbaye Sainte-Geneviève (fin)
par
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d'études

Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Pendant la fermeture de la Sorbonne, la conférence a lieu au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).

Cliché: immeuble du 190 ave de France, intérieur du bâtiment (cliché FB).

Histoire du livre en Angleterre

Marie-Françoise Cachin,
Une nation de lecteurs? La lecture en Angleterre (1815-1945),
Villeurbanne, Presses de l'Enssib, 2010,
268 p., ill. (coll. "Papiers").
ISBN 978-2-910227-79-1

"Il n'existait pas, jusqu'ici, de synthèse en français sur la place et l'importance de la lecture en Angleterre, et cet ouvrage se propose de combler ce manque. J'ai délibérément choisi une période assez longue pour faire apparaître les évolutions de la lecture au regard des contextes politiques, sociaux et culturels successifs" (Avant-propos, p. 7).
"Sont ici analysées, grâce à une présentation chronologique, les modalités de l'alphabétisation de la population, l'émergence de nouveaux lectorats, le rôle des cabinets de lecture, la création de bibliothèques publiques, les pratiques et les modes de lecture spécifiques de ce pays [l'Angleterre]" (4e de couverture).

Sommaire

Avant-propos
Introduction
Première partie. 1815-1850: la propagation de la lecture
1) Progrès de l'alphabétisation dans la première moitié du XIXe siècle. 2) Accès au livre et pratiques de lecture. 3) Le recours aux bibliothèques privées.
Deuxième partie. 1850-1880: lecture utile, lecture futile.
1) La naissance des bibliothèques publiques. 2) Poursuite de l'alphabétisation. 3) Presse, romans et feuilletons.
Troisième partie. 1880-1914: la lecture sous surveillance
1) L'Angleterre alphabétisée. 2) Essor des bibliothèques publiques, survie des cabinets de lecture. 3) le contrôle des livres.
4) Quatrième partie. 1914-1945: la lecture consolatrice
1) La lecture pendant la Première Guerre mondiale. 2) L'entre-deux-guerre: évolution des pratiques de lecture. 3) La lecture pendant la Seconde Guerre mondiale.
Conclusion
Bibliographie sélective
Traduction des citations

Conférence d'histoire du livre / Lecture in the history of the book


















Lundi 17 janvier 2011
16h-18h
De l’étude à la tribune : les bibliothécaires à la période moderne (suite)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études, directeur de recherche au CNRS


Nota: La conférence d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h.
Pendant la période intermédiaire où la Sorbonne est fermée, la conférence sera désormais abritée dans l'immeuble "Le France", 190 avenue de France, 75013 Paris (salle 123).
Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2010-2011.

Métro: ligne 6, station Quai de la Gare; ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterand. Voir RATP Métro.
Bus 62 (arrêt: Bibliothèque François Mitterand Avenue de France), 64 (Bibliothèque François Mitterand) et 89 (arrêt: Émile Durkheim).Voir RATP Bus.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur ce blog).
Cliché: une galerie de la Bibliothèque de l'abbaye Sainte-Geneviève au XVIIIe siècle.

Histoire du livre: le premier bibliothécaire royal / the first Royal Librarian

Lovée sur la rive droite d'un méandre de la Seine, la ville de Chatou est aujourd'hui une commune résidentielle de l'agglomération parisienne, entre Paris et Saint-Germain-en-Laye. Mais les amateurs d'histoire parisienne savent le rôle important de cette région: jusqu'en 1374, la petite communauté fait partie des très vastes possessions de l'abbaye de Saint-Denis. Plus tard, attirés par des forêts propices à la chasse, les rois de France s'établissent à Saint-Germain, puis à Versailles ou encore à Marly, tandis que Napoléon fera de la Malmaison, près de Rueil, sa résidence favorite. Les plus grands personnages de la cour possèdent aussi des châteaux ou des résidences somptueuses le long du fleuve -Soufflot construit celui du contrôleur général Henri Léonard de Bertin (†1792) à Chatou, où le comte d'Artois possède aussi le pavillon de la Faisanderie. Les bourgeois plus ou moins enrichis (dont parfois des libraires et des imprimeurs parisiens) se contentent à partir du XVIIIe et surtout au XIXe siècle de "campagnes" plus modestes.
La construction de la première ligne de voyageurs de France, le Paris- Saint-Germain de 1837, bouleverse les équilibres de la région et en accélère l'urbanisation (cliché 1). Mais la succession de sites pittoresques le long du fleuve et la facilité d'accès par le rail expliquent aussi  l'attrait que prend alors l'ouest parisien pour les peintres: Corot travaille à Ville d'Avray, tandis que les impressionnistes sont notamment à Bougival et à Chatou. L'auberge du Père Fournaise, dans l'île de Chatou, est un rendez-vous d'artistes et d'écrivains, parmi lesquels Maupassant, et c'est sur la terrasse de l'auberge -où l'on peut toujours déjeuner aujourd'hui... à la belle saison- que Renoir peint son célèbre Déjeuner des canotiers (ci-dessous cliché 2).
De manière amusante, l'histoire de Chatou touche aussi, incidemment, à l'histoire du livre, par le biais d'un personnage remarquable. Gilles Malet est en effet un roturier, peut-être italien d'origine, mais son service auprès roi Charles V (†1380), d'abord comme valet de chambre, fera sa fortune. Christine de Pisan, elle-même liée à l'Italie, explique à son propos :
"Le roy Charles avoit un sien varlet de chambre lequel, pour cause que lui en savoit plusieurs vertus, moult amoit; celluy, par espécial sur tous autres, souverainement bien lisoit et bien ponctoit [faisait bien ressortir les points du discours] et entendens home estoit (...); car encore est vif, chevalier, maistre d’ostel, sage et honorez, comme il fust par ledit roy moult enrichis"
Malet est d'abord lecteur du roi, et celui-ci l'apprécie suffisamment pour lui confier, probablement en 1369, la responsabilité de sa célèbre bibliothèque ("librairie"), l'une des plus riches sinon la plus riche de son temps. Malet est chargé de superviser la conservation et l’administration de la collection, mais aussi son enrichissement, en passant des commandes pour de nouveaux manuscrits.
La faveur royale lui permet de se constituer rapidement une fortune foncière impressionnante autour de la capitale: le voici successivement châtelain de Corbeil (1369), seigneur de Chatou (1374), de Soisy-s/Seine (1376), de Pont-Ste-Maxence (1378) et de Beaumont-s/Oise (1380), mais il a aussi des biens à Villepesque (près de Lieusaint), à Balagny (près de Senlis), à Fontenay-lès-Louvre et au Plessis-Gassot (près d’Écouen)... Probablement anobli en 1367, il est écuyer en 1376, chevalier en 1390, et prendra occasionnellement le titre de vicomte de Corbeil. Son second mariage, avec Nicole de Chambly, le fait entrer dans une des familles les plus notables de l'entourage capétien. Exécuteur testamentaire de Charles V, il reste au service de Charles VI, avant de décéder en 1410 ou 1411: il est inhumé à l'abbaye de Bonport, près de Pont-de-l'Arche, sur les marches de Normandie.
Gilles Malet illustre ainsi à la fois l'ascension sociale désormais rendue possible à des roturiers distingués par le roi pour leurs "talents", mais aussi, bien entendu, les débuts de la future Bibliothèque royale, aujourd'hui Bibliothèque nationale de France. Il est l'une des figures emblématiques d'un système politique alors en phase de consolidation et de profonde modernisation, et dans lequel la dimension de la culture et des arts, donc aussi la bibliothèque, prend une place de plus en plus importante.

Bibliogr.: Raymond Cazelle, Société politique, noblesse et couronne chez Jean le Bon et Charles V, Genève, 1982, notamment p. 74 et suiv. Léopold Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, Paris, 1907, 3 vol. La Librairie de Charles V [catalogue d'exposition de la Bibliothèque nationale], Paris, 1968. Et, pour la topographie locale: Chatou/ Croissy-sur-Seine. Villégiatures en bord de Seine. Yvelines, réd. Laurent Robert, Paris, Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, 1993 (n° 128). 

Clichés: 1) la gare de Chatou au temps de la vapeur (coll. part.); 2) la Maison Fournaise aujourd'hui: le balcon est celui où Renoir a travaillé (cliché F. Barbier, sept. 2010); 3) le "retable de Soisy," dalle gravée polychrome à l'effigie de Gilles Malet (voir exposition, 1968, n° 108).

Conférence d'histoire du livre / Lecture in the history of the book

Centre Gabriel Naudé

La prochaine séance du séminaire

"Auteur, traducteur, imprimeur, collaborateur... qui écrit?"
aura lieu le
mercredi 12 janvier 2011
à 17h

Christiane Louette
Université Stendhal Grenoble 3

D'Homère à Hésiode, de Bâle à La Rochelle:
les choix éditoriaux d'un commentateur du XVIe siècle,
Jean de Sponde

Les séances ont lieu à l'enssib,
17-21 boulevard du 11 novembre 1918,
69100 Villeurbanne
salle N.1.29

Martine Furno, Raphaële Mouren

(communiqué par Raphaële Mouren)

Colloque sur l'illustration / Illustration Symposium

De Traits et d’esprit

Colloque organisé par
l'École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg.
Laboratoire de recherche sur l'illustration, La parole figurée.
(Guillaume Dégé et Olivier Deloignon)

Jeudi 13 et vendredi 14 janvier 2011
Entrée libre dans la limite des places disponibles

École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (ESAD),
1 rue de l'Académie, 67000 Strasbourg
Tél. 03 69 06 37 77
Courriel

Programme prévisionnel

Jeudi 13 janvier 2011
Après-midi
Modératrice : Agathe Bischoff-Morales, Conservatrice en chef du fonds précieux, Médiathèque André Malraux, Strasbourg

13 h 30 : accueil des participants
14 h 00 : Allocution de bienvenue Guillaume Dégé et Olivier Deloignon
14 h 15 : Gaétan Dorémus et alii, Illustrateurs, volailles : Solidarité ! Conférence musico-illustrative (ESAD)
14 h 45 : Alice Klein, Les gravures d’illustration de Hans Wechtlin, peintre et graveur à Strasbourg à l’aube du XVIe siècle. La série de gravures sur la Vie du Christ : illustrations d’un texte, d’une prière, d’une foi (Univ. Strasbourg, EA 3400 – Arche, Arts, civilisation et histoire de l’Europe)
15 h 15 : Discussion et pause
15 h 45 : Martial Guédron, Illustration scientifique et image satirique : une zoologie
anticléricale de la fin du XVIIIe siècle (Univ. Strasbourg, EA 3400)
16 h 15 : Barbara Stentz, L'illustration comme voie de monstration et de démonstration. (Univ. Strasbourg, EA 3400)
16 h 45 : Discussion et clôture de la première journée

Vendredi 14 janvier 2011
Matin
Modérateur : Guillaume Dégé (Enseignant en illustration, ESAD)
9 h 00 : accueil des participants
9 h 30 : Hélène Martinelli, L’auto-illustration au tournant du siècle : un défi à l’hybridité du texte illustré ? Des précurseurs à Bruno Schulz, Josef Váchal et Alfred Kubin (Univ. de Provence - Aix Marseille I, Centre Interdisciplinaire d’Études des Littératures et Univ. de Paris IV Sorbonne - Centre Interdisciplinaire de Recherches Centre-Européennes)
10 h 00 : Laurent Baridon, Les cartes géographiques anthropomorphes : illustrer et enseigner le nationalisme (Univ. Pierre Mendès France, Grenoble, LARHRA UMR 5190 – Art, imaginaire, société)
10 h 30 : Discussion et pause
11 h 00 : Camille Barjou-Michalec, Des femmes illustratrices dans l'entre-deux-guerres, le livre de luxe par Marie Laurencin, Mariette Lydis et Hermine David (Univ. Pierre Mendès France, Grenoble, LARHRA UMR 5190)
11 h 30 : Olivier Deloignon, La liturgie à coups de ciseaux. Sur la pédagogie par l’illustration de l’atelier du Cœur meurtry (ESAD et Univ. de Strasbourg, EA 3400)
12 h 00 : Discussion et déjeuner

Après-midi
Modérateur : Finzo (Enseignant en illustration, ESAD)
14 h 00 : Thérèse Willer, Tomi Ungerer, des livres subversifs pour enfants (Centre européen de l’illustration)
14 h 30 : Asako Muraishi, Shinta Chô et un monde de non-sens (Centre de Ressources de Langues de SPIRAL, Univ. Strasbourg)
15 h 00 : Discussion et pause
15 h 30 : Pascale Argod, La naissance éditoriale du genre « Carnet de voyage » dans les années 80, un album hybride original (Univ. Michel de Montaigne, Bordeaux)
16 h 00 : Olivier Poncer, La part didactique dans les pratiques illustratives directes (ESAD)
16 h 30 : Discussion puis allocution de clôture du colloque par Guillaume Dégé et Olivier Deloignon

Version internet du programme
(Communiqué par Olivier Deloignon)